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Un risque infectieux réduit grâce à un dépistage ultrarapide à l'admission

Ce sujet est l'un des lauréats de la meilleure idée de reportage hospitalier de l'édition 2017 du concours organisé par APMnews. Le jury était composé de représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF), de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) et de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) (David Gruson, Yves-Jean Dupuis et Lamine Gharbi) ainsi que du Dr Francis Fellinger de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de 3 journalistes d'APMnews et de Gerontonews.

La clinique des Cèdres à Echirolles a réduit son risque infectieux en proposant depuis 2012 à l'admission des patients un programme de dépistage ultrarapide de plusieurs bactéries, notamment du staphylocoque doré et du streptocoque B, et en repensant toute son organisation en fonction de ce projet, a constaté APMnews sur place début juillet.

Ce dépistage ultrarapide, encore rare en France, est désormais entré dans les habitudes de la clinique aux urgences, à la maternité, en chirurgie programmée avec hospitalisation et depuis peu en chirurgie ambulatoire.


La "force" de cette technique de biologie moléculaire par PCR est de "pouvoir rendre, même en urgence, en 72 minutes exactement, le statut de portage ou de non-portage de certaines bactéries hautement pathogènes", jour et nuit, se félicite le PDG de la clinique, le Dr Guillaume Richalet, également directeur du laboratoire Medi Bio accolé à la clinique dans lequel est installé le robot d'analyse.


C'est aux infirmières, aux urgentistes et aux sages-femmes d'expliquer le dépistage aux patients, qui disposent également d'informations dans le livret d'accueil.

"Je viens vous faire les prélèvements qu'on fait en systématique à tous les patients de la clinique" avant une opération, afin de rechercher le staphylocoque doré, explique calmement Amandine Solé, infirmière du laboratoire à chaque patient. "Le résultat ne changera en rien l'intervention que vous allez avoir".


Ce petit laïus, elle le répète une dizaine de fois par jour directement dans la chambre des patients. Avec une collègue, elle se partage entre 15 à 30 prélèvements, ce nombre variant en fonction des entrées.


Pour le staphylocoque doré, 6 écouvillons sont utilisés, soit 2 pour les narines, 2 au fond de la gorge et 2 dans le pli de l'aine. "Ce n'est pas agréable mais ça ne fait pas mal", assure l'infirmière.


Les patients peuvent être réticents mais elle n'a encore jamais été confrontée à un refus depuis qu'elle a rejoint le laboratoire en janvier. "Globalement, ça se passe bien, on explique, on parle des maladies nosocomiales et du risque d'infection pour eux".

Environ 13.000 tests par an

Environ 13.000 tests sont réalisés chaque année pour des patients de la clinique, précise le Dr Richalet, en soulignant que ce dépistage par PCR est plus sensible qu'une culture bactérienne en 48 ou 72 heures.


Depuis 2012, le laboratoire recherche le staphylocoque doré, sensible et résistant à la méthicilline, responsable de près de la moitié des infections du site opératoire, le streptocoque B en maternité avant un accouchement par voie basse ainsi que le clostridium difficile.


En 2015, il a ajouté à son éventail les bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes (BHRe), comme les entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) et les entérocoques résistants à la vancomycine. "Ce n'est pas très fréquent, on doit en détecter à peu près 5 par an". Ce prélèvement rectal n'est effectué que sur des patients ciblés, notamment provenant d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et de soins de suite et de réadaptation (SSR).

Assez rarement, un dépistage est réalisé pour la tuberculose.


"Si on a une alerte épidémique, on peut ajouter des tests" et, en cas d'émergence de nouvelles bactéries, d'autres tests pourraient être développés avec les industriels, observe le Dr Richalet, médecin biologiste et infectiologue.

Une "cascade" bien rodée en cas de résultat positif

Si le patient est porteur d'une des bactéries testées, toute une "cascade" de mesures se met en branle. Les systèmes d'information du laboratoire et de la clinique sont connectés. Ainsi, un résultat positif va conduire à la prescription d'un protocole clinique impliquant la mise sous antibiotique du patient et éventuellement son isolement. Pour le streptocoque B, ce dispositif est doublé par un appel du laboratoire à la maternité.


Le bracelet d'identification, qui était blanc jusqu'à présent, est changé afin que toute l'équipe soit informée du résultat, de l'infirmière jusqu'au brancardier. Un bracelet vert signifie que le patient est porteur et un jaune que la bactérie est résistante.


Au bloc opératoire, des questions sur le dépistage, la décolonisation et l'antibioprophylaxie sont intégrées dans la check-list.


Sur la prise d'antibiotique, "on a un taux d'observance important, quasiment de 100% en interne", se félicite le PDG.


Pour lui, cela constitue encore un argument en faveur d'un dépistage à l'admission. Si le test est réalisé plusieurs semaines en amont, non seulement le patient risque de se recontaminer avant l'intervention mais en plus, le taux d'observance du traitement à domicile est "très médiocre", inférieur à 50% car le patient n'est pas malade.


Le projet de dépistage ultrarapide à l'admission a été impulsé par le Dr Richalet, qui est arrivé dans la clinique en 2002 et en a repris les rênes en 2008 alors que l'établissement était en quasi dépôt de bilan.


Dès 2006, alors que l'établissement allait être reconstruit à Echirolles, l'idée était de changer l'organisation, "de se démarquer des autres établissements" en travaillant sur le risque infectieux, explique-t-il.


Il s'est inspiré de modèles américains (hôpital d'Evanston -Illinois- et Cedars Sinai Medical Center à Los Angeles). "Dès qu'il y a une complication infectieuse, il y a un reste à charge pour les établissements" ce qui les contraint "à avoir une politique draconienne". Il est aussi allé puiser des idées aux Pays-Bas, où les taux de bactéries multirésistantes sont très bas.

La clé de voûte: le robot Genexpert*

A partir de 2008, de nouvelles techniques de biologie moléculaire ont émergé, notamment la PCR en temps réel mais des difficultés persistaient pour faire des analyses échantillon par échantillon. "On attendait plusieurs patients pour faire des séries [...] pour ne pas multiplier les contrôles", explique-t-il.


Le Dr Richalet raconte être allé aux Etats-Unis à plusieurs reprises pour travailler avec différents laboratoires de diagnostic (Cepheid, Becton Dickinson, Biomérieux,...) afin de développer une offre de dépistage réalisable 24 heures/24, "en one shot" c'est-à-dire pour un patient qui arrive à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.


C'est un robot de biologie moléculaire qui constitue la clé de voûte de toute l'organisation: la plateforme Genexpert* Infinity 80 mise à disposition de la clinique en 2012 par la société californienne Cepheid (coût d'environ 500.000 €). Le contrat a été renouvelé cette année jusqu'en 2020.

La machine fait près de 3 mètres de long et est installée contre un mur du laboratoire. Elle dispose de 48 thermocyclers, ce nombre pouvant être augmenté jusqu'à 96. Cela signifie que 48 voire 96 PCR peuvent être réalisées en simultané.


Le personnel du laboratoire prépare l'échantillon à tester en cassant le bout des écouvillons dans une solution tampon qui est ensuite introduite dans une cassette tricompartimentée dans laquelle toute la réaction aura lieu. Pour le staphylocoque doré, 3 écouvillons des 3 sites prélevés sont mélangés et les 3 autres sont utilisés pour des cultures bactériennes.


La cassette est scannée afin d'identifier le patient. "Et ensuite, la machine se débrouille et on charge au fur et à mesure", pour n'importe quel dépistage en même temps, explique le Dr Richalet. La mesure de la fluorescence de chaque échantillon permet de déterminer s'il y a eu une amplification d'ADN bactérien et donc si la bactérie recherchée était présente dans l'échantillon.


Le coût du réactif est d'environ 25 € et pour chaque patient, celui du dépistage peut être estimé à 50 €. Il a toutefois été décidé de ne pas le facturer aux patients, souligne le PDG.

"C'est le laboratoire qui prend ce coût à sa charge", en adaptant la redevance des praticiens, car son intérêt est de travailler avec une clinique ayant une notoriété importante, a-t-il expliqué avec sa double casquette.

Un risque réduit de près de 4 fois pour le streptocoque B en maternité

Le PDG met fièrement en avant les résultats obtenus depuis 2012. Pour le streptocoque B en maternité, le risque d'infection néonatale précoce a été réduit de 3,9 fois, en comparant les taux sur les 5 années avant l'introduction du dépistage (culture classique au 8e mois de grossesse) à la période 2012-2017. Avant 2012, des complications infectieuses étaient observées chez près de 40 enfants, contre 9 après.


Pour les prothèses totales de hanche et de genou, la clinique (classée A pour l'indicateur composite de lutte contre les infections nosocomiales -Icalin) a obtenu des taux respectivement de 0,73% et 0% en 2016. Le Dr Richalet souligne aussi l'absence d'infection du site opératoire en urgence traumatologique.


Globalement, le taux d'infections nosocomiales du site opératoire a baissé mais ce serait "illusoire" de dire que la clinique n'en a plus du tout. Il a estimé la réduction à 20%-30% par rapport à la période avant 2012.


L'exigence de la clinique est aussi motivée par le fait que l'établissement est responsable devant les tribunaux non seulement du risque exogène mais qu'il doit aussi démontrer avoir tout mis en oeuvre pour maîtriser le risque endogène lié au patient lui-même. "C'est vrai qu'on donne un peu le bâton pour se faire battre (...) si le patient est positif, on a intérêt vraiment à le décontaminer car sinon on était au courant et on n'a rien fait", observe le Dr Richalet.


La clinique a obtenu fin 2016 une enveloppe de 100.000 euros au titre de l'incitation financière à la qualité (Iraq) au vu de ses bons résultats.


D'après le PDG, seulement une poignée de maternités proposent le dépistage du streptocoque B à l'admission car elles disposent également de ce robot. Il s'agit notamment de l'hôpital Paris-Saint-Joseph et de la clinique de l'Union à Toulouse.


La clinique s'est par ailleurs lancée dans un autre projet de R&D avec BioMérieux et l'institut de recherche technologique Bioaster, le projet CODIRA2 (caractérisation optique pour le diagnostic rapide des infections bactériennes). Il vise à détecter non pas le génotype des bactéries mais leur phénotype, c'est-à-dire les gènes exprimés. La clinique et le laboratoire associé Médi Bio devraient être la plateforme d'essai d'automates du projet CODIRA2 pour le staphylocoque doré, le streptocoque B et les BHRe.

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